« Que de sensibilité et de retenue, il est tout pareil à moi ». p. 269
Ce roman magnifique, possède un ton unique et une langue raffinée. Comme c’est agréable de l’écouter couler dans notre esprit. L’histoire de l‘émancipation de cette jeune fille dans les années cinquante vous rappellera un roman de Sagan ou Colette.
Destiné aux adolescents, l’ouvrage est publié dans la collection Scripto, mais c’est aux adultes qu’il plaira surtout. Malgré ce que laisse à penser le titre, c’est en fait une alternance de narration et de lettres. Ces passages épistolaires nous dévoilent en profondeur les personnages, derrière les lignes. On y distingue aussi les évolutions : Malia est de plus en plus enthousiaste et engagée dans le théâtre, tandis qu’Angèle sa mère fatigue et perd la raison. L’action se situe quand Malia est étudiante à Paris et les lettres nous parlent de son quotidien mais la narration, elle, nous révèle le passé en trois parties correspondant à chacun de personnages principaux : Malia tout d’abord (son enfance), puis Nicolas, le metteur en scène russe et enfin Angèle dont on sait qu’elle cache un secret de premier ordre.
L’amitié de Gisèle et Malia est belle mais reste à l’arrière-plan, tandis que les l’amour fou d’Angèle pour sa fille dévore l’espace même des pages (surtout dans la première partie). Cet amour d’une mère, étouffant et fascinant, est le thème principal du livre. C’est à cause de cette déraison qu’elle lui cache la vérité. L’histoire d’amour qui arrive sur la pointe des pieds et qui est exploitée dans les deux dernières parties est assez classique : c’est l’histoire de Pygmalion et Galatée. La découverte finale de Malia jette un autre éclairage sur cette histoire et justifie la longue séquence sur Nicolas qui aurait pu paraître superflue.
Le personnage de Malia est particulièrement attachant car elle semble si timide et perdue que c’est avec plaisir qu’on la voit s’ouvrir et s’affirmer. Mes lettres préférées sont celles de Gisèle, la meilleure amie, presque grande sœur qui dénotent une grande sensibilité. La galerie de personnages secondaires, de la mère simple et aimante à la patronne bourgeoise charismatique, nous dévoile une époque à travers ses différentes facettes.
J’ai été bouleversée par l’épilogue où la petite Félicia révèle à Malia le sens de l’énigmatique phrase que prononça Angèle sur son lit de mort : « Les petits ponts, on ne savait pas… » La boucle est ainsi bouclée de mère à fille.
Ce livre est tout en subtilité avec nombreux éléments qui ne s’emboiteront que peu à peu. Paule du Bouchet aime son lecteur et lui fait confiance. Quelle belle lecture.